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"Il portait son cœur en écharpe et tentait de reprendre sa vie en main. Il apprenait douloureu-sement à dépouiller le vieil homme pour que naisse l’homme nouveau.
Il pleuvait ce dimanche et le ciel déversait sa tristesse sur les toits de Paris. Je lui proposai une visite au Musée Marmottan, car je savais exactement ce qu’il lui fallait ce jour-là: il lui fallait voir "Le Parlement de Londres" par Monet.
Il regardait distraitement les tableaux. Je l’arrêtai devant "Le Parlement". Il se fit attentif et il vit ce que tout le monde voit: des langues vertes, bleues, noires qui montent en sinuant vers la grisaille du ciel et n’offrent qu’une vague ressemblance avec le Parlement de Londres. Il semblait déçu. Je le priai de reculer d’une vingtaine de mètres. Il obéit, puis se retourna, un “Ah!” d’étonnement sur les lèvres : Le Parlement était là, avec sa structure, son ossature, sa grandeur, sa fierté.
— Je me demande, dis-je, comment Monet a pu peindre un tel tableau, qui par définition demande un travail de proximité même si on peut prendre deux ou trois mètres de recul, en visualisant intérieurement l’effet qu’il produirait à plus de vingt mètres. Car tu noteras qu’à une dizaine de mètres le tableau n’a pas encore pris toute sa valeur. C’est cela le génie.”
Et comme nous vivions un moment de grâce, j’ajoutai :
— Il me semble que la vie humaine ressemble à ce tableau. Nous ne comprenons pas les événements lorsque nous avons le nez collé dessus. Nous accueillons les joies sans discuter. Pour les douleurs, c’est autre chose, il faut parfois bien longtemps pour saisir leur raison d’être, et encore ne comprenons-nous pas toujours. Nous manquons de recul.

Nous ressortîmes dans la pluie et le vent qui balayaient le Bois de Boulogne. Mais il y avait, dans son regard, une petite étincelle."

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