(Published on April 24, 2006 by Margot Bruyère)
La ligne blanche
À l'âge de 22 ans, Rembrandt peignit "Le Peintre dans son atelier". Ce pourrait être, par son sujet, une œuvre mineure: un peintre considérant une de ses œuvres. L'atelier est une pièce nue, mal éclairée, presque miséreuse, aux murs lézardés. Le peintre est dans la pénombre, le tableau occupant la majeure partie de l'espace; on ne voit que lui, ou plutôt on ne voit que l'envers sombre de la toile posée sur le chevalet et le mystère reste entier: l'œuvre est-elle achevée ou seulement commencée? Est-elle même déjà conçue? Mais le trait de génie n'est pas là; le génie de Rembrandt, c'est la tranche de la toile, fulgurante de blancheur, qui traverse l'espace ténébreux.
Je n'aurais probablement pas discerné "L'aveuglante, la pure, la divine ligne blanche" si un spécialiste n'avait attiré mon attention sur elle. Et cependant elle crève les yeux.