(Published on June 25, 2018 by Margot Bruyère)
L'os à moëlle
Quand je reviens de la boucherie avec un os à moëlle pour ma bergère allemand, elle le guette avec dévotion, elle le garde avec soin, elle le tient avec ferveur, elle l'entame avec prudence, elle le brise avec affection, puis elle le suce avec diligence. Qui la pousse à faire cela? Quel est l'espoir de son effort? A quel bien prétend-elle? A rien de plus qu'un peu de moëlle. Il est vrai que ce peu est plus délicieux que le beaucoup de tout autre chose, parce que la moëlle est un aliment élaboré à perfection de nature.
Est-ce moi qui ai écrit ce texte? Que nenni, mais je peux vous assurer que les chiens du XXIe siècle se comportent exactement comme celui observé par François Rabelais, il y a près de 500 ans. En voici la conclusion :
"A son exemple, il vous faut être sages pour fleurer, sentir et estimer ces beaux livres de haute graisse, légers à l'approche et hardis à l'attaque, puis par une lecture attentive et une méditation fréquente, rompre l'os et sucer la substantifique moëlle".
Tout le monde connaît l'expression "la substantifique moëlle", mais rares sont ceux qui se souviennent de ce prologue de "La vie très horrifique du grand Gargantua"